Se souvenir des belles choses
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Lecture faite dans le cadre du Prix Orange du livre 2018
L’histoire :
Salomon va vivre sa première Pâques juive sans son épouse Sarah qui s’est éteinte récemment. Il angoisse à l’idée de vivre cette fête familiale. Il se remémore les précédentes Pessah avec ses filles, ses gendres et ses petits enfants, chacun avec une personnalité particulière. Avec Cette nuit, Joachim Schernf signe un émouvant roman sur le temps qui passe.
Au matin de Pessah, la Pâques juive, un vieil homme se remémore cette nuit si particulière que sa famille rejoue à huis clos et à guichet fermé chaque année – une comédie extravagante et drolatique dont elle a le secret.
Il y a Michelle, la cadette qui enrage pour un rien et terrorise tout son monde, à commencer par Patrick, le très émotif père de ses enfants. Il y a Denise, l’aînée trop discrète, et son mari Pinhas, qui bâtit des châteaux en Espagne et des palais au Maroc. Et bien sûr Salomon, le patriarche rescapé des camps, et son humour d’un genre très personnel qui lui vaut quelques revers et pas mal d’incompréhension. Mais en ce matin de Pessah, pour la première fois, Salomon s’apprête à vivre cette nuit sans sa femme, sa douce et merveilleuse Sarah…
Editeur : Editions Zulma / 160 pages | Sortie : 04/01/2018
Joachim Schnerf :
Joachim Schnerf est né en 1987 à Strasbourg. Il vit actuellement à Paris où il est éditeur de littérature étrangère. Après Mon sang à l’étude, son premier roman paru aux Éditions de l’Olivier, il nous plonge avec Cette nuit dans l’intimité d’une famille, tendue sur le fil de la mémoire d’un homme au soir de sa vie. Un roman d’une grande sensibilité.
Sources : Editions Zulma
Mon avis :
Une superbe lecture ! Cela a le mérite d’être clair. J’ai vraiment aimé ce roman, plein de tendresse, d’amour, de solitude et d’humour. Ce livre est beau.
L’auteur nous fait découvrir Salomon, ce vieil homme de confession juive, qui vient de perdre sa femme et qui se prépare, avec appréhension, à vivre la Pâques juive avec ses proches. Cet homme fatigué nous ouvre son coeur et ses souvenirs. Et pour cause, ces derniers sont riches d’anecdotes. Parce que Salomon sait y mettre les formes, il faut le dire, avec son humour concentrationnaire. Oui, il a survécu au camp et il le fait savoir, maniant les jeux de mots :
Denise avait huit ans, Michelle en avait six. J’étais allé avec elles à la fête foraine, une veille de 14 juillet. Après quelques tours de manège, elles me supplièrent de jouer à la pêche aux canards pour rafler un poisson rouge. La main ferme, je gagnai à deux reprises et mes filles repartirent, chacune, avec un sac en plastique rempli d’eau. À l’intérieur nageait une mini-bestiole à écailles. Dans la voiture, les voix aiguës se disputaient les noms à donner à leurs nouveaux amis quand je leur rappelai que c’était moi qui les avais gagnés et que j’étais donc en droit de les nommer. Silence à l’arrière. Rires au volant. Sarah rentra tard du travail et découvrit les deux poissons rouges nageant dans un grand saladier. Tout excitée, Denise fit les présentations : “Maman, voici Goebbels et Goering, ils sont frères. Et leurs noms commencent pareil ! Goebbels est à moi et Goering est à Michelle.”
Cette nuit, une histoire de famille
Ses deux filles justement, Denise et Michelle, tellement différentes l’une de l’autre et qui animent – surtout Michelle – les repas de famille. Michelle cette femme autoritaire et sur le qui-vive, prête à réduire au silence toute velléité de contradiction. Denise, l’aînée, mais complètement effacée est surtout terrorisée par sa sœur, elle préfère se taire et boire plutôt que de l’affronter. Chacune estaccompagnées de son mari, et là aussi il y a du beau monde : Patrick, le mari de la première est martyrisé par son émotivité qui l’oblige à la moindre angoisse ou contrariété à se rendre prestement aux toilettes.., Pinhas l’époux de Denise est l’OVNI de la famille, un brin provocateur, un brin lèche botte. Puis viennent les enfants, ceux de Michelle et Patrick, Samuel et Tania , qui passent leur temps à se chamailler. J’oubliais la – pauvre – correspondante allemande, oui oui allemande, qui ne sera pas épargné par l’humour de Salomon ni les frasques de cette famille.
Mais cette famille est là, chaque année pour célébrer ensemble la commémoration de la sortie de l’Egypte du peuple juif. Cette nuit sera aussi celle de la commémoration de la vie de Salomon. Ce roman est émouvant car il exprime la solitude d’un homme face à ce qui reste de sa vie à venir. Cette solitude aussi dont il s’extrait de temps en temps en se rappelant les durs moments de la Shoah avec les anciens, ceux qui peuvent comprendre et ne pas s’offusquer de son humour thérapeutique.
Le style
Il est plein de sensibilité et d’humour. Joachim Schnerf arrive à saisir le lecteur par des mots simples, des phrases percutantes. Il sait donner à ses personnages une dimension personnelle et pourtant identifiable dans beaucoup de famille.
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